Thunder Chief
Sous le teepee, la fumée envahissait déjà presque tout l'espace. Le feu qui brûlait depuis 3 minutes 57 secondes, se trouvait au centre de la pièce de vie centrale au milieu. Autour de celle-ci se développaient 3 chambres à coucher, une salle de bain, salle de jeu, et autres commodités utilitaires à la vie indienne. Vu de l'extérieur le teepee ne mesurait que 3 mètres de diamètre. Cette espace intérieur était surréaliste. Comment faisaient-ils pour agrandir comme ça les dimensions? Mystère et boule de gomme !!!
Bref !!!
La fumée entrait dans les narines, les yeux piquaient, les oreilles bourdonnaient par cette odeur persistante. Je ne vous parle pas des vêtements qui étaient, eux aussi, imprégnés de ce parfum. D'ailleurs, parlons de nos accoutrements. Ils étaient très sommaire puisque réduits à un petit bout de tissu communément appelé "cache sexe" et constitués d'une triple couche de papier sulfurisé vert fluo en forme de feuille de cannabis sativa ou indica, ça dépendait des goûts.
Ces morceaux de papier nous étaient donnés à l'entrée de ce parc d'attraction 3 étoiles négligemment intitulé « Thunder chief » du nom d'un chef indien célèbre. Ce parc rendait hommage, comme on peut s'en douter, aux indiens d'Amérique. Le but du séjour de 33 heures était de nous plonger dans la vie des amérindiens. On payait une somme de 32 euros. Pensant être originale, la caissière s'était affublée d'une tête de cheval avec une crinière en forme de pales d'hélicoptères qui tournait lentement grâce à un moteur à réaction dégageant une fumée noirâtre et puante de gazole frelaté. Après avoir payé notre dû, nous nous rendions dans une sorte de vestiaire de sport avec des casiers numérotés, arrivé là, nous nous déshabillions, déposions nos objets de valeurs dans une caisse commune et mettions nos fringues dans les casiers qui nous étions destignons. Pour finir, nous prenions le bracelet qui correspondions au numéro de notre casier.
Simple, efficace, comme à la piscine.
En faisant tout cela, on sentait petit à petit le poids de la vie quotidienne et ses petites difficultés disparaître.Le « matériel » était alors derrière nous. La légèreté prenait tout son sens.
Nous devenions Indien.
Hiiiiiiiii ! Haaaaaaa !
Dans cette transformation si soudaine, le plus dur était de changer psychologiquement. Changer nos réflexes urbains. Plus de mains dans les poches puisque privé de poches ! Comment les indiens faisaient-ils pour avoir l'air cool ? Chui sûr que c'est les plumes ! Nous devions aussi oublier le confort de la télé et de ses masses médias, du téléphone portatif et sa 4G, de l'ordinateur avec sa wifi, en somme, faire abstraction du XXIéme siècle et de ses ondes.
Passé cette sensation de vide, bassement matériel, sans tout ce con-fort, nous nous troufions dans un sentiment de totale liberty dans ton corps.
Un guide nous guidait dans le soi-disant village indien en carton à pattes. Il n'y avait qu'un seul teepee dans lequel nous pouvions entrer. Les autres n'étaient que des fax similé cuir avec des bouts de bois en plastique en guise de charpente. Nous avions payé pour dur faux semblant. Déjà nos humeurs en prirent un bon coup au morale.
Tout cela fut bien vite oublié quand on nous fit entrer dans, « Le Teepee ». Au sol, un tapis volant, fainéant d'après notre guide, respirait difficilement en somnolant à 31 centimètres du dessus de la terre poussiéreuse. Il était mochement brodé de motifs tentant d'imiter faussement les décorations zindiennes. Sur les murs, aucun cadres ne voulaient se tenir par peur de se casser en tombant à terre. Ils faisaient un sitting (bull) pour protester contre leur conditions de travail inacceptables. Du coup, la décoration en pâtissait de tout ce pataquès. Elle était concise voir circoncise. Heureusement pour sauver cet ornement plus que simpliste, des têtes empaillées de buffalo (bill), de gnous, de crocodiles, et d'autruches gisaient fièrement, mentons en avant, sur les cloisons de tissu molletonnées. Notre guide nous expliqua qu'apparemment, les indiens, d'après ces renseignements, chassaient... Il ne s'étendit et n'en dit pas plus sur le sujet. Ce maudit guide ne nous étaient d'aucune utilité, nous nous en rendions bien compte, mais nous ne voulions pas lui faire de peine. Nous faisions semblant de nous intéresser à ce qu'il ne décrivait pas puisqu'il n'avait aucune connaissance de ce parc d'attraction, qu'on venait juste de l'embaucher en intérim, que c'était son premier jour, qu'il n'y connaissait rien en nindiens, qu'il avait bosser un mois au Disney Land, que sa mission ne durait que 30 jours et qu'il en avait rien a carrer de tout ce bordel. Là dessus, nous étions plus à l'aise, rassurés et continuions la visite sans trop prêter attention à se qui se tramait aux zalentours.
Pourtant, l'ambiance s'était démesurément alourdie. Tellement alourdie qu'on ne pouvait plus la peser.
De toute part, des cowboyz de la Compagnie des Réserves Salutaires arrivaient en masse par camion blindés plein à craquer, jet à eau prêt à faire feu. Ça s'gâtait. Nous crûmes à ce moment là à une reconstitution d'une célèbre bataille entre les colons et les peaux rouges. Que nenni nous disait le guide, ça ne figurait pas dans le programme. Absorbés par cette arrivée chevaleresque, nous ne nous rendions pas compte de la tournure qu'allait prendre les évènements.
Le guide s'enfuit en criant que nous devrions en faire de même. Il fut stoppé net dans sa course par 3 tirs de flash-ball. Une balle lancée à pleine allure lui percuta les parties génitales, une autre lui enfonça le nez et la dernière lui arracha 3 doigts de la main droite. Il tomba raide comme un piquet d'aspirine. Gisant à terre, une flaque de sang noire s'écoulait en une masse sombre et visqueuse.
Nous comprenions alors que notre destin était ce qu'il était.
Scellé.
Nous étions tous à moitié à poil encerclés par des hommes habillés comme des robots, armés jusqu'au dents. Le match était couru d'avance. Pas un bâton, pas une pierre, juste de la poussière, rien pour se défendre, rien pour tenir le siège.
Nada.
On nous somma de ne pas faire de chichis et de nous rendre sans plus de complications.
Nous obéissions ou nous mourrions comme ce satané intérimaire qui a voulu faire de la résistance, la menace était claire.
Nous ne fîmes pas de chichis, on se rendit sans plus de complications.
On nous fit monté sans trop de chichis et de complications dans des camions apprêtés pour recevoir des prisonniers.
On roula sur 29 kilomètres dans un cohue-bohue sans nom, la route était chaotique.
On nous jeta dans des réserves où il était écrit à l'entrée en lettres de fer « le chômage technique rend libre ».
J'le savais.
J'l'avais dit aux camarades du syndicat.
C'était un piège du patron de nous offrir un voyage à nous, ses employés, tous frais payés sur le compte de l'entreprise.